dimanche 6 septembre 2009

Dimanche poétique #6

Et voici un nouveau dimanche poétique !

Toutes les infos sur ce que c'est et sur les participants sont ICI !


Images à Crusoé
 
"Crusoé ! - ce soir près de ton Île, le ciel qui se rapproche louangera la mer, et le silence multipliera l'exclamation des astres solitaires.
Tire les rideaux ; n'allume point :
C'est le soir sur ton Île et à l'entour, ici et là, partout où s'arrondit le vase sans défaut de la mer ; c'est le soir couleur de paupières, sur les chemins tissés du ciel et de la mer.
Tout est salé, tout est visqueux et lourd comme la vie des plasmes.
L'oiseau se berce dans sa plume, sous un rêve huileux ; le fruit creux, sourd d'insectes, tombe dans l'eau des criques, fouillant son bruit.
L'Île s'endort au cirque des eaux vastes, lavée des courants chauds et des laitances grasses, dans la fréquentation des vases somptueuses.
Sous les palétuviers qui la propagent, des poissons lents parmi la boue ont délivré des bulles avec leur tête plate ; et d'autres qui sont lents, tachés comme des reptiles, veillent. - Les vases sont fécondées - Entends claquer les bêtes creuses dans leurs coques - Il y a sur un morceau de ciel vert une fumée hâtive qui est le vol emmêlé
des moustiques. - Les criquets sous les feuilles s'appellent doucement. - Et d'autres bêtes qui sont douces, attentives au soir, chantent un chant plus pur que l'annonce des pluies : c'est la déglutition de deux perles gonflant leur gosier jaune...
Vagissement des eaux tournantes et lumineuses !
Corolles, bouches des moires : le deuil qui point et s'épanouit ! Ce sont de grandes fleurs mouvantes en voyage, des fleurs vivantes à jamais, et qui ne cesseront de croître par le monde...
Ô la couleur des brises circulant sur les eaux calmes, les palmes des palmiers qui bougent !
Et pas un aboiement lointain de chien qui signifie la hutte ; qui signifie la hutte et la fumée du soir et les trois pierres noires sous l'odeur de piment.
Mais les chauves-souris découpent le soir mol à petits cris.

Joie ! ô joie déliée dans les hauteurs du ciel !
... Crusoé ! tu es là ! Et ta face est offerte aux signes de la nuit, comme une paume renversée."

Saint-John Perse, "La ville"


http://images.toocharger.com/img/graphiques/fonds_d_ecran/nature__paysages/paysages_paradisiaques/ile_du_pacifique.37109.jpg


16 commentaires:

  1. J'ai toujours eu (j'ai encore) beaucoup de mal avec Saint John Perse... Je ne parviens pas à entrer dans son monde...

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  2. Comme Mariel j'ai eu beaucoup de mal à comprendre d'abord puis à aimer cet auteur mais une étude approfondie et obligatoire m'a rendu ses textes plus proches! A petite dose comme ici, j'apprécie maintenant!

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  3. Quel beau texte!!!
    Merci beaucoup pour cette découverte!! :o)

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  4. Mais tu vas nous réconcilier avec cet auteur. Comme mes copines, il est arrivé que je reste hermétique à St John perse mais voilà un texte dont j'ignorais tout et ma foi, il est très plaisant;

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  5. Moi ça dépend vraiment des textes.


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  6. Moi aussi, c'est à petites doses.


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  7. De rien! tout le plaisir est pour moi!


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  8. Je ne suis pas une grande fan de cet auteur, mais je trouve ce texte sublime.


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  9. je ne connaissais pas du tout, mais c'est très sympathique!

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  10. Ravie de t'avoir fait découvrir!


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  11. J'ai découvert Perse avec "Vents", une année où j'ai préparé l'agrégation. Une merveille que cette poésie.

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  12. Alors j'ai une idée de quand tu as passé l'agreg!


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  13. Démasquée, rires. Ceci dit, je l'ai passée trois fois... sans succès...

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  14. C'est agaçant, mais après tout, on vit très bien sans.


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